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L’art de l’assemblage : pourquoi et comment nous utilisons des fûts de bourbon et de sherry

  • Photo du rédacteur: gelleleiw
    gelleleiw
  • 24 nov.
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 25 nov.

Lorsque nous avons défini la feuille de route olfactive et gustative de notre whisky (malt 100 % orge, double alambic, réduction naturelle, maturation en fûts d’ex-bourbon et d’ex-sherry) nous avons voulu conjuguer deux univers boisés complémentaires.

Plongeons ensemble dans la typicité de ces fûts, leur origine, ce qu’ils « apportent » au spiritueux et comment, dans le cadre de notre approche chez Gëllene Léiw, ils sont mis au service de l'assemblage final.


Gëllene Léiw Whisky Cellar

1. Origine des fûts : une « histoire de seconde vie boisée »


Fûts d’ex-bourbon : Ces fûts proviennent du marché américain, où le règlement impose que le bourbon soit vieilli en fûts de chêne neuf (souvent chêne blanc américain, Quercus alba) fortement brûlés (« charred ») après chauffe. Une fois le bourbon retiré, ces fûts usagés, richement imprégnés de vanilline, lactones boisées, sucres caramélisés issus du char, deviennent disponibles pour d’autres spiritueux.


Fûts d’ex-sherry : Ces fûts viennent de bodega espagnoles (Jérès / « Sherry ») ou d’importation, ayant contenu des vins de type sherry (Oloroso, Pedro Ximénez, etc.). Le bois est souvent du chêne européen (Quercus robur) ou parfois du chêne américain mais après vinification. Leur histoire est donc marquée par une phase de « seasoning » au vin de xérès, puis parfois un transport vers les zones de maturation whisky.


Dans notre contexte de maturation en Europe, l’utilisation de ces deux « réservoirs boisés » (bourbon et sherry) nous offre une palette aromatique très large, mais maîtrisée.


2. Typicité boisée & chimique : ce que le bois transmet au whisky


2.1 Fûts d’ex-bourbon


Le chêne blanc américain est riche en vanilline (responsable de notes de vanille), en éugénol (épices douces), en lactones boisées (notes coco, fruits exotiques) et en composés issus du toasting et du char: caramel, toffee, grillé léger. Comme l’indique un article : « Bourbon barrels… contribute vanilla, honey, oak, leather, nutmeg, almond, butterscotch. »

En pratique pour Gëllene Léiw, cela signifie que la mise en fût après distillation va d’abord évoluer sur une base boisée relativement douce, vanillée, proche d’un canevas « classique ». Cela crée une structuration aromatique de fond, avant de « complexifier » via les fûts de sherry.


2.2 Fûts d’ex-sherry


Les fûts ayant contenu du sherry apportent des arômes plus « vinifiés », plus oxydés, plus profonds. Selon le type de sherry (Oloroso, PX, Fino…), on peut obtenir des notes de fruits secs, de raisins secs, de chocolat noir, de cuir, de noix, d’épices. Le chêne européen, en particulier, est plus tannique, plus « actif » dans certains cas, ce qui permet d’imposer une signature aromatique plus marquée.

Dans notre blend, cela veut dire que les fûts d’ex-sherry interviennent comme des « amplificateurs de profondeur » : ils ajoutent du contraste à la base bourbon, une richesse, une dimension gourmet, moins « vanille-campagne » et plus « noble-vinifiée ».


3. Comment nos deux maturations distinctes s’articulent dans le blend final


Notre assemblage repose sur un principe simple : une partie du whisky est intégralement vieillie en fût d’ex-bourbon, et une autre partie intégralement vieillie en fût d’ex-sherry. Ce n’est donc ni une finition, ni une double maturation en série, mais deux trajectoires aromatiques parallèles, réunies seulement au moment du blend.


1. Le lot vieilli en ex-bourbon


Le distillat est placé dès le départ dans des fûts ayant contenu du bourbon. Ces fûts, en chêne américain fortement brûlé avant leur première utilisation, transmettent naturellement des composés typiques :

  • vanille (vanilline),

  • caramel/toffee,

  • notes coco et bois blond (lactones),

  • une douceur générale due à la structure du chêne américain.


Ils créent ce que l’on pourrait appeler la colonne vertébrale du whisky : un profil clair, accessible, avec une base boisée douce et propre.


2. Le lot vieilli en ex-sherry


En parallèle, un second lot vieillit entièrement dans des fûts ayant contenu des vins de Jerez. Ces fûts, souvent en chêne européen plus tannique, apportent :

  • fruits secs / raisins,

  • chocolat ou cacao léger,

  • nuances de noix, cuir léger, épices,

  • une dimension plus « oxydative » liée à la nature du sherry.


Ce lot développe une profondeur aromatique plus sombre, plus gourmande, naturellement différente du lot bourbon.


3. L’assemblage : deux identités, une expression cohérente


Lorsque ces deux whiskies arrivent à maturité, nous les assemblons de manière proportionnée afin d’obtenir un profil où la douceur boisée (vanille, caramel, noix de coco) issue des fûts de bourbon, rencontre la richesse vinifiée (fruits secs, chocolat, épices) apportée par les fûts de sherry.

L’objectif est un équilibre naturel : aucune dominante forcée, mais une superposition maîtrisée de couches aromatiques issues de deux maturations complètes et indépendantes.


4. Particularité chez Gëllene Léiw


La maturation se déroule dans un climat tempéré, avec des fûts de 500 L maximum, ce qui limite les extractions trop rapides et accompagne une évolution plus progressive. À la sortie du fût, le degré naturel tourne autour de 57–58 %, ce qui témoigne d’un vieillissement modéré, cohérent avec les conditions climatiques européennes.

Ce cadre permet de préserver :

  • la précision aromatique,

  • l’intégration bois-alcool,

  • une complexité lisible tant pour les amateurs pointus que pour les curieux.


4. Quelques points techniques et choix stratégiques


  • Le premier remplissage (first-fill) d’un ex-bourbon est très actif : beaucoup de composés boisés solubles peuvent être extraits rapidement. Comme le soulignent les spécialistes, le niveau d’entrée en fût (entry proof) joue aussi un rôle : plus l’alcool est élevé, plus certains composés sont extraits (ex : lactones) ; cela est un facteur sur lequel on peut jouer.

  • Le choix d’alternance entre fûts ex-bourbon et ex-sherry impose de maîtriser les volumes et les temps de séjour, car le fût « active » (chargé) peut facilement dominer le distillat si on le laisse trop longtemps. Un équilibre est essentiel.

  • La qualité du bois (espèce, chauffe, chanfreinage, renouvellement potentiel) et l’environnement de maturation (température, humidité, circulation d’air) influencent fortement le résultat.

  • Enfin, dans un blend comme le nôtre, l’utilisation de fûts de typicité différente (bourbon et sherry) permet de calibrer la signature Gëllene Léiw : accessible mais riche, élégant mais technique.


5. Conclusion


En résumé, l’alliance des fûts d’ex-bourbon et d’ex-sherry dans notre processus de maturation n’est pas un choix esthétique gratuit : elle est l’outil principal de notre architecture aromatique. Le fût de bourbon apporte la colonne vertébrale vanillée et boisée ; le fût de sherry ajoute les subtilités vinifiées, la profondeur, la dimension gourmet. Pour un amateur exigeant, un « geek » du whisky, cela signifie que chaque gorgée révèle un travail de bois, de temps, d’équilibrage. Chez Gëllene Léiw, nous considérons ces fûts non pas comme des accessoires, mais comme des co-acteurs. Ils façonnent, modulent, finalisent l’esprit de notre whisky. Nous espérons que cet article vous aura donné un aperçu de cet univers et vous incitera à déguster avec curiosité, en repérant vanille, fruits secs, cuir léger, raisins, chocolat, bois blond… et la manière dont ces notes se répondent.



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